Mission Mars 2011

Mission d’Enseignement du Module Anesthésie Loco-Régionale du Membre Inférieur

Jacques Le Houelleur, Seng Saignavong et Pierre Dao

Mission au Cambodge

A notre arrivée à Phnom Penh le dimanche 6 mars après un bref transit par Bangkok, nous sommes chaleureusement accueillis à l’aéroport par deux médecins participant à la formation, Tep Sokha et Hem Borin.

Lundi 7 mars

Notre première matinée à l’Hôpital Calmette démarre par une démonstration par Seng Saignavong d’un bloc supra-claviculaire échoguidée pour une chirurgie de l’humérus. L’activité chirurgicale programmée ce matin-là est faible et nous écourtons notre présence au bloc opératoire pour entamer une réunion de présentation avec une partie des médecins anesthésistes en provenance de l’Hôpital Calmette, de l’Hôpital Kossamak, de l’Hôpital National Pédiatrique et de l’Hôpital de l’Amitié Khméro-Soviétique. Au cours de cet entretien et en présence de Madame Tan Sokhak, Jacques Le Houelleur rappelle aux étudiants les impératifs pour la validation du Diplôme Universitaire, à savoir la réussite aux examens écrit et oral, mais également une pratique régulière des techniques d’anesthésie loco-régionale en dehors des périodes d’enseignement. Il procède aussi à la remise du livre Protocoles du Mapar édition 2010 offert par le Pr Benhamou à chaque étudiant. Après cet entretien, nous effectuons une courte visite des services de l’Hôpital Calmette. Les services de soins aux indigents et la maternité nous ont émus par la proximité importante de la famille qui cohabite en permanence avec les patients.

L’après-midi, nous débutons l’enseignement du module d’anesthésie loco-régionale du membre inférieur par des exposés sur le bloc fémoral et le bloc saphène, dans une salle de la Faculté des Sciences de la Santé. L’enseignement théorique de chacun des blocs est complété par un atelier permettant aux étudiants de localiser les nerfs à l’aide des deux appareils d’échographie.

Mardi 8 mars

C’est un jour férié. Les cambodgiens célèbrent la Journée de la Femme et les blocs opératoires sont fermés. Nous informons nos confrères cambodgiens de notre entière disponibilité en cas d’intervention urgente et malgré, notre insistance, nous ne serons jamais contactés.

Mercredi 9 mars

Nous nous répartissons sur deux sites opératoires, à savoir Seng Saignavong à l’Hôpital Calmette et Pierre Dao à l’Hôpital Kossamak, avec en moyenne 4 à 5 étudiants par missionnaire. Le choix de ces deux structures est guidé par le fait qu’elles concentrent la majorité des interventions en traumatologie à Phnom Penh. Toutefois, l’activité chirurgicale est insuffisante pour faire pratiquer quotidiennement tous les étudiants. Le bilan de la journée au bloc opératoire à Calmette comporte la réalisation d’un bibloc fémoral et sciatique pour une chirurgie de fracture du fémur, ainsi que la pose d’un cathéter sciatique poplité par voie latérale sous échographie pour l’analgésie post-opératoire d’une chirurgie du pied. A Kossamak, nous réalisons un bloc fémoral pour l’analgésie d’une chirurgie d’une fracture de la rotule et un bloc axillaire en vue d’une chirurgie de plastie de cicatrice de brûlures du poignet.

L’après-midi est consacrée à l’enseignement théorique des différentes techniques du bloc sciatique sous échographie (approches sous-glutéale et poplité), complété par un atelier pratique de repérage sur chacun des étudiants.

Jeudi 10 mars

A Calmette, Seng Saignavong supervise la réalisation d’un bloc interscalénique et d’un bibloc fémoral et sciatique. La matinée au bloc opératoire s’achève par la pose d’une voie veineuse centrale jugulaire interne sous échographie chez un patient relevant de soins en réanimation. A Kossamak, Tep Sokha, un étudiant de l’Hôpital National Pédiatrique, effectue un bloc sciatique poplité bilatéral, sous anesthésie générale, chez une fille de 5 ans opérée de rétractions aux pieds, séquelles de graves brûlures. Un bloc interscalénique pour l’analgésie d’une fracture de l’humérus et un bloc fémoral complètent l’activité de la journée.

L’après-midi, l’enseignement porte sur les blocs des nerfs obturateur et cutané latéral de cuisse. Nous procédons également à une révision des blocs déjà présentés en vue de l’examen blanc prévu pour vendredi. Aux étudiants les moins expérimentés en échographie, nous proposons d’expérimenter un modèle de mannequin que nous avons conçu la veille au soir. Ils peuvent ainsi librement s’appliquer à guider leur aiguille dans un Tupperware rectangulaire rempli de gelée alimentaire percée de part et d’autre par des pailles à boisson (brevet exclusif de l’AFRASE). Cet atelier est l’occasion de voir s’affirmer un groupe de quatre étudiants (Hem Borin, Ay Sovuth, Sam Samana et Chheang Khor) prenant en main les étudiants les moins expérimentés.

Vendredi 11 mars

Il n’y pas de chirurgie orthopédique prévue à Calmette et l’aréopage est rapatrié sur Kossamak. Jacques entreprend de vérifier la bonne tenue des carnets de stage tandis que deux étudiants s’affairent à l’exécution d’un bloc fémoral et d’un bloc supra-claviculaire sous échographie.

Nous procédons à un examen blanc des connaissances portant sur l’enseignement dispensé depuis le début de l’année, sous la forme d’une vingtaine de questions à choix simples ou multiples. La correction immédiate nous permet d’intervenir sur les points difficiles des cours et de gommer les incompréhensions. Nous nous rendons compte du bon niveau général de la majorité des étudiants, malgré la barrière de la langue. Les quatre étudiants particulièrement motivés confirment leur très bon niveau en recevant les meilleures notes du groupe.

Samedi 12 mars

A l’aéroport international, l’heure est au bilan avant de nous envoler pour Vientiane et nous quittons Phnom Penh avec beaucoup d’espoir. Malgré les difficultés administratives pour obtenir une certification universitaire à l’enseignement, les étudiants sont assidus et continuent de se préparer sérieusement aux sessions théoriques. Leur niveau de compétence technique est d’ores et déjà très bon alors que leur niveau de connaissance théorique est susceptible d’être amélioré. La barrière de la langue est certaine : les étudiants ayant la meilleure compréhension de la langue française ont les meilleurs résultats à l’examen blanc. Cependant, l’usage de l’anglais ne permet pas d’améliorer de façon majeure la compréhension des cours, les étudiants ne semblant pas avoir un usage courant de cette langue. Quatre étudiants ont retenu notre attention et il ne fait aucun doute qu’ils seront des éléments importants pour la diffusion des techniques d’anesthésie loco-régionale dans leurs établissements.

Notre avion atterrit dans la soirée à Vientiane où nous sommes reçus par la famille de Seng. La guesthouse est idéalement placé au centre de Vientiane et nous permet de rallier l’Hôpital Mittaphab en moins de 10 minutes en voiture.

Dimanche 13 mars

Journée détente à la campagne. La famille de Seng nous fait visiter un magnifique lac artificiel au nord de Vientiane, sur la route de Luang Prabang. La chaleur écrasante freine nos ardeurs d’évasion et nous décidons d’écourter la promenade en milieu d’après-midi pour retourner visiter Vientiane.

Mission au Laos

Lundi 14 mars

Nous partons pour l’Hôpital Mittaphab à Vientiane (Hôpital de l’Amitié) où nous sommes accueillis par le chef de service d’anesthésie entouré par nos étudiants. Le bloc opératoire d’orthopédie est réparti sur deux étages et l’activité chirurgicale est très soutenue (les accidents de la circulation sont malheureusement très fréquents au Laos). Seng encadre la réalisation de deux biblocs fémoral et sciatique pour des fractures de jambe tandis que Pierre guide les étudiants pour un bloc fémoral à visée analgésique pour une chirurgie de fracture du fémur.

L’après-midi est consacré à l’enseignement de l’anatomie du plexus lombaire et des techniques d’anesthésie du bloc ilio-fascial, du nerf fémoral (sous neurostimulation et échographie), du nerf cutané latéral de la cuisse et du nerf saphène, conformément au programme. Les étudiants manifestent un intérêt certain pour les rappels d’anatomie et nous y consacrons une large partie dans l’exposé, avec Seng en traducteur lao. Après ce cours, nous sommes invités à rencontrer le directeur de l’Hôpital. C’est un chirurgien orthopédiste de formation et il est très intéressé par le développement des alternatives à l’anesthésie générale. En effet, il nous informe que l’Hôpital Mittaphab devrait se doter prochainement d’une unité de chirurgie ambulatoire, et l’anesthésie loco-régionale s’inscrit entièrement dans ce programme de développement.

Mardi 15 mars

Bilan de la matinée : 2 biblocs fémoral et sciatique pour fracture de jambe, un bloc ilio-fascial pour l’analgésie d’une fracture de fémur, et deux blocs sciatique à la fesse pour l’analgésie de fracture de cheville. Par ailleurs, Seng fait une démonstration d’un protocole de rachianesthésie hyperbare pour la chirurgie d’une fracture de membre. L’assemblée semble très intéressée par cette technique.

Après un bref déjeuner dans une échoppe de pho, nous consacrons notre après-midi à l’étude anatomique du plexus sacré et aux techniques d’anesthésie du nerf sciatique sur tout son trajet.

Mercredi 16 mars

Nous sommes sollicités pour l’anesthésie d’une extraction chirurgicale d’un éclat d’obus en positon intra-thoracique chez un patient fragile. L’intervention se déroule sans incident (quoique très longue dans le temps) et nous constatons que nos confrères ne sont pas habitués à la gestion de ce type de chirurgie, par manque d’expérience dans le domaine de la ventilation unipulmonaire. Nous leur expliquons également tout le bénéfice qu’ils pourraient tirer à employer l’analgésie péridurale en post-opératoire et convenons qu’il s’agit d’un axe à développer dans l’avenir. Pendant ce temps, Seng parvient à guider son groupe pour la réalisation de 2 blocs ilio-fasciaux et de 2 autres blocs sciatiques (un la fesse et l’autre au creux poplité).

En vu de l’examen blanc prévu pour vendredi et, à la demande générale, nous faisons un rappel des connaissances sur l’anesthésie loco-régionale du membre supérieur. Nous réalisons assez vite que le sujet est, dans l’ensemble, bien maîtrisé par l’ensemble des étudiants hormis quelques points de détails anatomiques.

Jeudi 17 mars

Il y a beaucoup d’interventions au programme ce jour et nous sommes bien à la peine pour répondre aux exigences de chirurgiens pressés, tout en préservant une ambiance sereine, propice à l’apprentissage. Toutefois le bilan de la matinée est très bon : trois blocs ilio-fasciaux, trois blocs fémoraux sous neurostimulation avec validation par échographie de l’injection, cinq blocs sciatiques (deux par voie sous-trochantérienne pour deux blocs à la fesse et un bloc par voie antérieure sous échographie) et deux rachianesthésies unilatérales hyperbares.

L’après-midi, nous poursuivons les révisions avec un rappel des éléments de la pharmacologie des anesthésiques locaux ainsi que de leur toxicité. Nous procédons également à une brève remise à niveau des bases théoriques des cours des premiers jours pour dissiper quelques points mal compris que nous avons pu relever au bloc opératoire.

Vendredi 18 mars

Nous finissons cette semaine au bloc opératoire en ayant consommé la totalité de nos réserves de solutions de bupivacaïne et de ropivacaïne. Un échec de bloc fémoral sous neurostimulation nous conduit à faire le constat sous échographie d’une variante anatomique rare du nerf fémoral : celui-ci était localisé à la face postérieure de l’artère fémorale superficielle, naissant de l’artère fémorale en amont de l’arcade inguinale. Pendant ce temps, Manikeo s’essaie au bloc sciatique par voie sous-trochantérienne dans l’optique d’en diffuser l’usage aux urgences. La journée s’achève par la réalisation d’un bloc axillaire sous neurostimulation, d’un bloc ilio-fascial, de deux blocs fémoraux et d’un bloc sciatique au creux poplité par voie postérieure. Le temps d’une pause déjeuner et voilà nos étudiants prêts à répondre à la vingtaine de questions à choix multiples que nous avons préparé la veille au soir. Les résultats de cette épreuve sont à la mesure de l’engagement montré auprès des malades, avec d’excellentes notes pour la majorité des étudiants. Retour à la guesthouse pour nous préparer au diner où nous avons invité le Pr Oun Kam, le directeur de l’Hôpital Mittaphab, le vice-doyen de la Faculté de Médecine ainsi que tous nos élèves. Au cours du diner, Jacques félicite les étudiants pour leurs bons résultats et les encourage à poursuivre leurs efforts. Il y est également question, entre deux verres, de l’élaboration du prochain congrès national d’anesthésie et des études cliniques auxquelles l’AFRASE pourraient contribuer. L’ambiance est festive et c’est à une heure avancée de la nuit que nous retournons à la guesthouse.

Samedi 19 mars

A l’heure de quitter Vientiane pour Paris, nous partageons tous le même sentiment d’optimisme : nos étudiants ont fait la démonstration de leur potentiel avec des résultats encourageants à l’examen blanc. Le groupe est volontairement restreint en nombre mais il est de qualité et très homogène. La langue française est dans l’ensemble bien comprise. Les bénéfices de l’anesthésie loco-régionale ont été bien perçus par les chirurgiens mais également par la direction de l’Hôpital Mittaphab. Ce dernier point nous paraît important à souligner, tant cette institution de santé est un pôle de référence au plan de la formation des anesthésistes et des chirurgiens du Laos, dans le domaine de la traumatologie. Le prochain congrès national d’anesthésie, placé sous le patronat du Pr Oun Kam, est un autre motif de satisfaction : deux étudiants (Phothivanh et Manikeo) ont déjà prévu des sujets traitant de l’anesthésie loco-régionale. A cet instant même du départ, nos pensées les plus affectueuses vont aussi aux membres de la famille de Seng Saignavong qui nous ont accueillis avec cette tradition légendaire d’hospitalité du peuple Lao.

Affaires à suivre par conséquent…

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